Combien de personnes signent un contrat d’entreprise sans vérifier si leur entrepreneur a accès à la profession ? Quelles conséquences cette absence éventuelle d’accès a-t-elle sur leur relation contractuelle ?
Pour être valable, il est indispensable que l’entrepreneur qui a souscrit un contrat ait accès à la profession.
Les entreprises actives dans la construction, en ce compris celui d’entrepreneur général, doivent justifier d’un accès à la profession tel que visé par l’Arrêté Royal du 29 janvier 2007 relatif à la capacité professionnelle pour l’exercice des activités indépendantes dans les métiers de la construction et de l’électrotechnique, ainsi que l’entreprise générale.
Il est à noter que la matière de l’accès à la profession a été régionalisée.
Ainsi, le décret flamand du 18 mai 2018 abroge les dispositions légales relatives aux connaissances de base de la gestion d’entreprise. L’Arrêté du Gouvernement flamand du 19 octobre 2018 abroge l’arrête royal de 2007 précité.
Par conséquent, à l’inverse des régions wallonne et bruxelloise, l’exercice d’une activité de construction n’est plus soumis en Flandre à la réglementation fédérale.
La Banque Carrefour des Entreprises permet aisément de s’assurer que l’entrepreneur dispose des accès à la profession même si la jurisprudence autorise les entrepreneurs à prouver leur connaissance par d’autres biais (voir infra).
La Cour d’Appel de Liège rappelle qu’il ne faut pas confondre les accès à la profession avec les Codes Nacebel « qui constituent quant à eux un simple cadre de référence pour la production et la diffusion des statistiques relatives aux activités économiques » (Liège, 15 février 2018, 2017/RG/76 – F–20180215-1).
L’entrepreneur doit avoir cet accès à la profession au moment de la conclusion du contrat et il est donc irrelevant que l’entrepreneur obtienne un accès à la profession en cours d’exécution du contrat d’entreprise.
La Cour de Cassation a ainsi rappelé qu’est nul le contrat relatif à l’exécution de travaux relevant des activités professionnelles réglementées conclu par un entrepreneur qui ne prouve pas que, à la date de la conclusion du contrat, il disposait des compétences professionnelles requises pour leur exercice.
La Cour casse l’arrêt qui avait validé un contrat d’entreprise conclu avec un entrepreneur qui a obtenu les accès après la conclusion du contrat mais avant le début des travaux (Cass., 27 septembre 2018, J.L.M.B. 19/301).
L’absence d’accès à la profession a pour conséquence la nullité du contrat.
Ladite nullité n’a pas pour conséquence que le maître de l’ouvrage puisse garder l’ensemble des ouvrages et l’entrepreneur soit dans l’obligation de rembourser l’intégralité des montants perçus.
La Cour d’Appel de Liège rappelle les conséquences de la nullité du contrat en stipulant que : « Lorsqu’un contrat d’entreprise est annulé pour défaut d’accès à la profession, les restitutions réciproques constituent généralement le remboursement par l’entrepreneur des acomptes versés par les maîtres de l’ouvrage, d’une part, et la restitution par équivalent par le maître de l’ouvrage de la valeur des travaux réalisés, d’autre part, ces montants à restituer pouvant en outre être compensés » (Liège, 4 mai 2018, J.L.M.B. 18/669).
C’est donc bien la marge bénéficiaire qui devra être remboursée par l’entrepreneur. Cette marge devra être définie via expert. Dans le cas précité, la Cour a retenu une marge bénéficiaire de 20 pourcents.
Il est à noter que le Juge tiendra compte des éventuels vices, manquements et malfaçons dont le coût des remèdes viendra en déduction de ce qui revient à l’entrepreneur.
Enfin, « l’entrepreneur doit être plus sévèrement sanctionné dès lors qu’il a sciemment conclu un contrat d’entreprise et réalisé des travaux en sachant qu’il n’avait pas les accès à la profession requis ».
La tentation est grande pour les maitres d’ouvrage d’invoquer la nullité du contrat pour défaut d’accès à la profession pour échapper à une indemnité de résiliation unilatérale par exemple.
Ainsi, la Cour d’Appel de Mons a rendu un arrêt précisant que :
« La validité du contrat ne sera pas remise en cause si l’entrepreneur, qui ne dispose pas de l’accès à la profession pour l’ensemble des tâches commandées, recourt à un sous-traitant qui, lui, jouit des titres requis pour les prestations accomplies par celui-ci ».
La Cour rappelle également que l’inscription à la Banque Carrefour des Entreprises n’est pas l’alpha et l’omega de la preuve de l’accès à la profession.
En effet, la preuve peut se faire par le dépôt par exemple de diplômes du gérant qui couvriraient les compétences visées (Mons, 19 février 2020, J.L.M.B. 22/23).
Il s’agit donc d’un pari qui peut se révéler dangereux.
S’il en est pas moins indispensable pour les entreprises de régulariser leur situation auprès de la banque carrefour des entreprises, les maîtres de l’ouvrage devront être attentifs à l’effet boomerang que l’argument soulevé pourrait avoir.
Les gérants des entreprises de construction seront d’autant plus vigilants que les tribunaux peuvent retenir leur faute personnelle à côté de celle de leur entreprise (Liège, 15 février 2018, J.L.M.B. 18/688) et ce bien que le lien causal avec le dommage des maîtres d’ouvrage pourra difficilement être établi.
Enfin, il est à noter que le maître d’ouvrage qui signe sciemment un contrat avec un entrepreneur n’ayant pas d’accès à la profession verra la responsabilité de l’entrepreneur être amoindrie voir annihilée.
De même, un architecte qui ne procède pas à la vérification desdits accès pourra également voir sa responsabilité être engagée.
En conclusion, les tribunaux sanctionnent de manière sévère l’absence d’accès à la profession mais avec des conséquences diverses pour les maîtres d’ouvrage.
Outre le fait que le dommage pouvant être récupéré ne sera équivalent qu’au bénéfice de l’entrepreneur, les personnes recourant à un entrepreneur ne peuvent avoir accès à tous les moyens de preuve à disposition dudit entrepreneur pour prouver ses connaissances.
L’intérêt des maîtres d’ouvrage étant avant tout que leur chantier se déroule bien et sans conflit avec l’entrepreneur, il parait judicieux pour le tout à chacun de vérifier l’accès à la profession de son entrepreneur avant de signer tout contrat.
Il s’agit d’un gage de sérieux minimum qui rassurera les maîtres d’ouvrage pour la suite du chantier.